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Néo-retraité des terrains, Eric Bauthéac (ex-LOSC) se confie sans détour dans un entretien exclusif

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Crédit Photo : Icon Sport

Le 21 septembre dernier, Eric Bauthéac mettait un terme ferme et définitif à une carrière de 23 longues années. Le Petit Lillois n’a pas manqué l’opportunité de s’entretenir en exclusivité avec l’ancien Dogue, pour qui le LOSC reste une partie de son histoire.

Plus de vingt ans en arrière, Eric Bauthéac débutait sa carrière chez les Verts, l’AS Saint-Etienne, où il a fait ses gammes jusqu’à éclore au sein du monde professionnel. Ensuite, c’est un long périple entre écuries françaises (Cannes, Dijon, Nice) qui l’a amené jusqu’au LOSC. Chez les Dogues, l’ailier a disputé une cinquantaine de rencontres (51 toutes compétitions confondues, 3 buts et 3 passes décisives) avant que son aventure ne se clôture par le loft lillois et un départ précipité vers l’Australie. Six longues années plus tard, dont plusieurs à Chypre, l’ancien Lillois a tiré sa révérence. Un passage important dans une vie de footballeur sur lequel est revenu Eric Bauthéac dans un entretien à dévorer ci-dessous.

Quel est le sentiment, lorsque l’on a une si longue carrière, et que l’on arrête comme ça, d’un coup ?

On n’est jamais réellement prêt en fait. On n’est jamais réellement prêt parce que tu te dis que tu vas jouer jusqu’à ta mort. Je me suis toujours dit que j’allais jouer jusqu’à mes cent cinquante ans. Mais dans la réalité, l’âge passe et on commence à avoir d’autres priorités dans la vie. Aujourd’hui, j’ai 36 ans et ce sont ces autres priorités qui me poussent à arrêter le football.

Quel a été ton cheminement de pensées pour aboutir à cette décision ?

Déjà, j’étais dans la même position l’été dernier, où je me demandais si je devais continuer ou m’arrêter là. A l’époque, j’étais allé voir des matchs de l’OGC Nice et quand je suis rentré ici à Chypre et que j’ai vu mes potes jouer, je me suis dit que ce n’était pas possible, je ne pouvais pas m’arrêter sur ça. Je les voyais et je me disais que je pouvais encore les aider. Je n’avais pas envie d’arrêter, je n’étais pas encore prêt. Et donc, cet été, je me suis retrouvé dans cette même situation. J’avais des propositions pour continuer, ce n’était pas celles que j’avais l’année dernière, mais j’avais quand même des offres. Sauf que j’avais moins cette envie. Je suis pourtant allé voir des matchs, mais je ne l’ai pas retrouvée. J’avais toujours envie de les aider, mais ce n’était pas comme la saison dernière. Cette année, je me disais que c’était bon, que c’était fini, j’ai tourné la page. C’était réglé dans ma tête, je devais me tourner vers le futur et mes futurs projets.

C’est donc l’issue d’une réflexion mûrement réfléchie ?

Oui, j’y ai pensé tout au long de la saison et encore plus ces trois derniers mois. J’ai vécu mon dernier match à fond, comme si c’était le dernier, mais je n’ai pas eu cette émotion du dernier. Une fois que le coup de sifflet final a retenti, je ne me suis pas dit que ça y est, tout était fini. Je ne m’en rendais pas compte, je me disais simplement dans ma tête que j’allais en faire un autre. Malgré tout, c’était quand même une réflexion qui était mûrie depuis assez longtemps quand même.

Quand est-ce que tu t’es réellement rendu compte que c’était terminé ?

J’ai mis du temps à l’annoncer déjà. J’aurais pu l’annoncer avant, mais pour moi, dans ma tête, j’étais sûr, à 99% d’arrêter, mais il y avait toujours ce petit pourcentage qui m’empêchait de poster, de me dire que c’était véritablement terminé. Là, le mercato était terminé, je me suis dit que c’était peut-être le moment de l’annoncer à tout le monde parce que je recevais des messages tous les jours. Je devais quand même leur dire que j’arrêtais ma carrière (rires). Donc finalement, en septembre, c’est là où j’ai pris ma décision finale.

Quels sont désormais tes projets d’avenir ?

Mon premier projet est déjà de me reposer. J’ai signé dans un petit club de foot histoire de pouvoir continuer à jouer le week-end sans être forcé de m’entraîner la semaine. Je joue les week-ends avec mes amis, juste histoire de transpirer un peu et de vivre aussi dans le football amateur. Ce sont des moments que je n’ai jamais vécu parce que je suis parti à 13 ans de chez moi dans le monde professionnel. Je n’ai jamais eu l’occasion de jouer avec mes potes. Là, je rattrape un peu le temps perdu dans un club de très bas niveau, c’est juste histoire de prendre du plaisir et de m’amuser, parce que j’aime le ballon et j’aime le foot. Ce dont j’avais besoin, c’est d’avoir du temps libre et non plus toutes ces contraintes inhérentes au métier de footballeur avec les entraînements tous les jours et les matchs le week-end. Je ne voulais plus de ça. En parallèle, mes projets d’avenir sont donc de me reposer, j’ai ma femme qui est enceinte de plus de sept mois, mes nuits ne vont pas être les mêmes, surtout à 36 ans. Je ne me voyais pas avoir cette charge de travail à côté, c’est aussi ça qui m’a poussé à arrêter le foot. A côté de ça, j’ai un projet qui est d’ouvrir un centre de padel, ici à Chypre. Je travaille beaucoup dessus en ce moment, ce qui fait que j’ai un emploi du temps chargé malgré tout, mais je pense que ça va être un beau projet.

Donc pas de reconversion dans la peau d’un entraîneur ou d’un consultant ?

Aujourd’hui, être coach ça ne m’intéresse pas trop. J’arrête le football pour avoir du temps libre, donc si je suis coach, je n’en aurais pas plus. Si je restais sur cette voie, autant rester un ou deux ans de plus. Ce n’est pas irréversible, mais pour l’instant, j’ai mis cette voie de côté.

Quels seraient le meilleur, et à l’inverse, le pire souvenir de ta longue carrière ?

Mon meilleur souvenir ? J’en ai beaucoup. Sincèrement, j’ai beaucoup de bons souvenirs dans le football. Après une longue carrière, tu as toujours des bons moments. J’ai vécu une montée à Dijon quand j’étais jeune, c’était incroyable avec mes premiers pas en Ligue 1 qui sont un souvenir impérissable. Après, il y a Nice, où j’ai vécu trois saisons exceptionnelles, je me suis vraiment régalé. On était inattendu et la première saison, quand je suis arrivé, on avait fait une saison incroyable. C’est pour moi le meilleur passage de ma carrière. Après, à Lille, ça ne s’est pas passé comme j’aurais voulu que cela se passe, notamment parce que je ne suis pas arrivé au bon moment tout simplement. Je suis arrivé avec un projet mené par Hervé Renard et Michel Seydoux, je voulais vraiment faire partie de ce projet et progresser avec eux. Le problème c’est que l’on a vite eu des bâtons dans les roues avec Michel Seydoux qui est parti et le nouveau président qui est arrivé. C’était très compliqué avec lui. Hervé Renard qui s’est fait virer au bout de deux ou trois mois alors qu’il n’avait même pas eu le temps de mettre toutes ses idées en place. Et puis nous, on était une nouvelle équipe donc il n’a vraiment pas eu le temps et je trouve ça dommage parce que c’est un super coach. Il y a eu beaucoup de choses qui ont fait que… avec l’arrivée de Bielsa, on a eu cinq coachs en deux saisons (Hervé Renard, Patrick Collot, Frédéric Antonetti, Franck Passi, Marcelo Bielsa)… Je pense que je suis arrivé dans la pire période possible à Lille et c’est mon regret. Dans ma carrière, mon regret est de ne pas avoir pu donner ce que je pouvais donner lorsque j’étais à Lille et ça, je le regrette parce que j’ai adoré la mentalité là-bas. J’ai énormément aimé les supporters qui ont toujours été derrière nous, et derrière moi. J’aurais aimé pouvoir leur rendre ça sur le terrain. Je n’ai pas eu l’occasion de pouvoir le faire et c’est l’un de mes regrets dans ma carrière.

Est-ce que tu as eu l’impression avec du recul, que l’on t’ait menti sur le projet lorsque tu es arrivé à Lille ?

Je ne sais pas où ils en étaient dans les négociations à ce moment-là, mais quand je suis arrivé, c’était avec Michel Seydoux et derrière, je me retrouve avec un autre président qui n’est pas tout blanc. C’était trop de changements en peu de temps, et nous, on s’est retrouvé là, au milieu, se demandant ce qu’il se passait. On s’est dit qu’on allait laisser passer l’orage, mais il n’est jamais passé et c’était le temps de partir.

Quels étaient tes rapports avec Hervé Renard ? Un entraîneur que l’on a finalement peu connu à Lille.

On avait une toute nouvelle équipe avec beaucoup de nouveaux joueurs. Il nous fallait du temps pour que l’on se connaisse et qu’il y ait une alchimie qui se crée. Le problème, c’est qu’Hervé Renard est arrivé avec ses idées, avec Patrice Bommel en adjoint. Ses idées étaient top, j’adorais ça et ses entraînements. Il était très proche des joueurs. C’est un peu un second père, plus ça qu’un coach et j’adore ce genre d’entraîneurs qui te donne envie d’avancer ensemble, joueurs et staff, vers un même point. C’est ce que j’ai adoré à Lille, mais ça n’a duré que quelques mois quoi.

Le problème c’est qu’on a démarré la saison en n’étant pas top, mais en même temps il fallait s’y attendre, on était une équipe toute nouvelle avec un nouveau projet et un nouveau coach qui installait ses idées. Il nous fallait un peu plus de temps. S’ils lui laissaient un mois de plus, c’était bon. Quand il est parti, on a encore un peu galéré, mais on a fini par enchaîner. Ce temps-là, c’est dommage qu’ils ne lui aient pas laissé. S’il était resté, on aurait pu faire une belle saison.

Avec les cinq autres entraîneurs, tu n’as jamais revécu cette alchimie avec un coach ?

Pas du tout, à l’exception de Franck Passi, mais lui, c’est pareil. Il n’est pas resté bien longtemps. C’était un tout jeune entraîneur qui débutait sa carrière. C’était une très bonne personne, mais il était intérimaire en attendant un nouveau coach (Marcelo Bielsa, ndlr). Mais c’était un très bon coach, j’ai beaucoup aimé.

A l’époque, certains de tes coéquipiers t’ont-ils marqué quand tu es arrivé ?

C’est vrai que j’arrivais dans un groupe avec beaucoup d’expérience. Pour moi, Marko Basa était incroyable. Je me demandais ce qu’il foutait à Lille. Il n’avait rien à faire à Lille. C’était l’un des meilleurs défenseurs du monde. Pour moi, il avait toutes les qualités, hormis ses blessures et ses pépins, mais il avait toutes les qualités avec la relance, les deux pieds, il sautait haut, il allait vite. C’était une fierté pour moi d’arriver à Lille à côté de mecs comme ça. Tu avais aussi Florent Balmont et Rio Mavuba. Le duo, c’était l’un des meilleurs duos en Ligue 1. Je ne connaissais pas Vincent Enyeama, mais quand je suis arrivé, je me suis vite rendu compte que c’était un mur. C’était vraiment une fierté de pouvoir jouer avec des joueurs comme ça et donc quand je suis arrivé, je me suis dit que j’avais encore franchi un cap, et qu’il fallait bosser deux fois plus dur pour être à leur niveau.

Est-ce que ta perception du club dans son ensemble à changer après ce passage plus terne ?

Je ne garde pas un bon souvenir de mon passage, mais par contre, du club en lui-même, oui, j’en garde un bon souvenir. Le Domaine de Luchin, c’est un centre d’entraînement incroyable. Les fans sont géniaux. Le stade est magnifique aussi. Le club en lui-même, j’en garde un très bon souvenir et même avec Michel Seydoux, j’adorais ce mec-là. C’est une vraie bonne personne, pas un tricheur ni un menteur. Mais finalement, je me suis retrouvé dans un tout autre projet en quelques semaines, et c’est ça qui m’a fait regretter un peu ce choix. Mais, à la base je ne pouvais pas savoir. Et le club en lui-même, je le trouve magnifique, je le suis toujours d’ailleurs. Quand il y a un match de Lille, je regarde toujours. Ce sont les personnes au sein du club que je n’appréciais pas, ce qu’il s’est passé, c’était ridicule.

Si tu suis l’actualité, tu as dû voir que le LOSC est en Europe cette saison, dans une poule assez atypique dans laquelle ils vont devoir voyager à travers l’Europe. Personnellement, tu as connu ce genre de choses avec un déplacement à Qäbälä, tu faisais partie de cette aventure. Comment as-tu vécu cette double confrontation dont tout le monde se souvient ?

Le problème que l’on a souvent en France, c’est qu’on pense que l’on est meilleur que les autres. Et ça, c’est un gros problème. Quand on joue contre des pays comme ça, on se dit qu’on va jouer contre des bouchers, les plombiers du coin. Mais ce n’est pas ça du tout en fait. Tu joues contre des équipes qui sont vraiment compétitives et je l’ai vécu moi-même à Chypre, et j’ai eu le même problème à Nice contre l’Apollon Limassol. On était arrivé en disant que ça allait être facile, mais pas du tout. Tu joues contre des vrais joueurs avec des qualités. Quand j’étais à Chypre, j’ai joué l’Europa League, la Champions League et la Conférence League, et on était loin d’être ridicule. On est allé faire des résultats dans des endroits improbables, ce n’était pas si facile que ça pour les autres équipes.

C’est un choc d’état d’esprit entre le petit poucet qui se donne à fond et le gros club qui reste suffisant ?

C’est complétement ça, c’est un peu comme la Coupe de France. Parfois, tu vois des surprises, parce que les équipes de la première division s’avancent un peu sur la pointe des pieds en pensant qu’en se donnant à 30% ça passera. Sauf que l’équipe en face se donne à 200% donc ça ne passe pas. C’est un peu pour ça qu’on est passé à la trappe.

Après Lille, tu as fait une carrière de globe-trotter, avec l’Australie puis Chypre. C’était une volonté pour toi de vivre quelque chose de différent ? Qu’est-ce que tu en retiens ?

Complétement, j’avais 31 ans et je voulais partir de la France. C’était l’heure pour moi de découvrir autre chose. Un autre football, une autre culture, une autre vie et un autre mode de vie. J’ai eu plusieurs opportunités qui s’offraient à moi et j’ai pris la décision de partir en Australie pour l’expérience. J’aurais pu partir pour l’argent dans d’autres pays, où j’avais beaucoup plus d’argent à gagner, mais en fait, l’argent n’a jamais été un choix de carrière pour moi. J’ai toujours fait des choix de cœur. Et quand je suis parti en Australie, j’ai découvert un pays incroyable. J’ai découvert plein de choses, dont la langue, mes filles ont également appris à parler anglais et ça, c’est génial. Aujourd’hui, je ne regrette pas une seconde. Demain ou dans dix ans, ce n’est pas le nombre de 0 que tu as sur ton compte qui compte. Ce sont les souvenirs que tu as dans la tête et aujourd’hui, j’ai des souvenirs impérissables de ces deux années qui resteront à jamais dans ma tête. C’est des trucs que je raconterais à mes enfants, à mes petits-enfants. C’est un peu ce que je recherchais et je ne regrette pas du tout. J’ai pris une grosse claque et j’ai énormément appris.

On te considérait comme une star lorsque tu es arrivé ?

J’arrivais de Ligue 1, d’un grand club de Ligue 1, donc forcément oui. J’avais l’image de la star.

Quand tu es parti pour Chypre, c’était avec la même idée en tête ?

Je voulais rester dans la même optique, tout en me rapprochant de l’Europe. En Australie, il me manquait cette pression inhérente au football. Là-bas, qu’on gagne ou que l’on perde, c’était la même chose. Tu pouvais perdre trois matchs d’affilée, et les supporters étaient quand même derrière toi. Moi, j’avais besoin d’avancer avec la pression. Je voulais un nouveau challenge avec des supporters à fond quand ça va bien, mais qui te chahute un peu quand ça va mal. J’aime ça. Et l’Omonia (Nicosie) c’était le compromis parfait parce que déjà je me rapprochais de la France. Parce que oui, l’Australie c’est super, mais tu es à l’autre bout du monde et tu ne peux voir ni famille, ni ami. Le bon compromis c’était Chypre parce que j’arrivais dans un club, l’Omonia, c’est un peu comme Marseille en France, tu as des supporters de partout, tu peux jouer n’importe où que tu seras à domicile. J’ai vécu trois années folles à l’Omonia avec quatre trophées, j’ai joué toutes les coupes européennes, c’était vraiment exceptionnel.

Te reverra-t-on à Lille un jour ? Comme l’ont fait Mathieu Debuchy et Burak Yilmaz en tirant un coup d’envoi fictif par exemple ?

Mais je vais revenir, tu sais, j’ai des amis à Lille avec lesquels je suis toujours resté très proche. Je vais revenir à Lille, c’est sûr et pourquoi pas donner un coup d’envoi, revoir les supporters, ça me ferait énormément plaisir.

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