LOSC
Portrait : Olivier Létang, le nouvel homme fort du LOSC
Fraîchement nommé président salarié du LOSC, Olivier Létang est un visage bien connu du football français. Passé par Reims, Paris et Rennes, l’ancien joueur professionnel va donc connaître son quatrième club. Alors que le projet qu’il porte semble encore flou, portrait de ce personnage complexe.
Le 15 décembre dernier, coup de tonnerre : L’Equipe affirme que Gérard Lopez, président du LOSC depuis 2017, s’apprête à être débarqué par le fonds d’investissement Elliott Management, auquel il a emprunté dès son arrivée au club. Les supporters lillois sont sonnés. Quelques jours plus tard, c’est officiel : le mystérieux fonds d’investissement Merlyn Partners reprend les parts de Lopez. Le désormais ex-président quitte le club avec son équipe (Luis Campos en tête), et Olivier Létang arrive pour le remplacer en tant que président salarié. Pressenti à Toulouse et Bordeaux récemment, il n’en est pas à sa première expérience en tant que dirigeant. Histoire de savoir à quoi peuvent s’attendre les supporters lillois, voici un portrait d’un homme toujours ambitieux et critiqué.
Carrière de joueur et études de commerce (1997-2006)
Tout le monde ne le sait pas, mais avant de devenir dirigeant, Olivier Létang a connu une carrière honorable de joueur professionnel. Né au Mans, il est formé dans le club de sa ville, encore appelé le MUC 72 à l’époque. Il n’y jouera finalement que sept petits matchs en deuxième division entre 1995 et 1997, avant de rejoindre le Stade de Reims, un club historique du football français alors en CFA 2 et en pleine reconstruction. Son style de jeu ? Un milieu de terrain plutôt habile, gaucher, « doté d’un certain toucher de balle » selon l’un de ses anciens coéquipiers Fabrice Harvey. Olivier Létang pense alors déjà à sa reconversion, et Christophe Chenut, le président du Stade de Reims, lui confie les comptes du club dès son arrivée. Il possède donc la double casquette de joueur-comptable, une situation assez intrigante pour le vestiaire puisque c’est l’un de leurs coéquipiers qui leur fournit la fiche de paie… En 2000, il est promu directeur administratif et financier par le nouvel actionnaire du club, Jean-Pierre Caillot. Il occupera ces fonctions jusqu’à la fin de sa carrière de joueur en 2004, après sept ans de bons et loyaux services et aura ainsi participé à la remontée du club en Ligue 2. Le Manceau abandonne donc les terrains pour rejoindre les bancs de l’une des plus grandes écoles de commerce en France, l’ESSEC, où il sera diplômé d’une maîtrise d’administration des affaires en 2006. Nommé directeur général du club, il aura l’occasion de croiser un certain Pierre Ménès, alors chargé de la communication du club champenois. Alors que Reims ne parvient pas à se reconstruire, Olivier Létang souhaite à tout prix faire remonter le club en Ligue 1. Quitte à en faire parfois un peu trop.
Directeur général du Stade de Reims (2006-2012)
Olivier Létang impose très rapidement sa patte. Il est ambitieux et souhaite se servir du glorieux passé du club pour atteindre de nouveau le premier échelon français. A la lutte pour le maintien à son arrivée, Reims se stabilise en Ligue 2, sans parvenir à aller chercher le haut de tableau. Le seul coup d’éclat reste une demi-finale perdue en 2007 en Coupe de la ligue contre les Girondins de Bordeaux, futurs vainqueurs de l’épreuve. Lors de la saison 2008-2009, malgré l’inauguration de son nouveau stade « Auguste-Delaune », le club traverse des moments difficiles sportivement. Deux entraîneurs reconnus se succèdent mais n’arrivent finalement pas à maintenir le club en Ligue 2. Olivier Létang réussit à bien gérer la crise, notamment financièrement. Toutefois, son bilan cette année-là est entaché par une altercation avec l’un des joueurs de l’équipe première. Le défenseur Jean-Christophe Devaux lui reproche d’être à l’origine de son faible temps de jeu. Les deux hommes iront jusqu’à en venir aux mains. Cette affaire passée, il réussit à faire revenir Marc Collat, ancien entraîneur sous les ordres de qui il avait joué entre 2000 et 2002, et le club remonte dès la saison suivante en Ligue 2. Six ans après sa nomination, son objectif est enfin atteint : le Stade de Reims retrouve l’élite à la fin de la saison 2011-2012. Il est aussi celui qui va porter le projet d’un centre de vie ultra-moderne, qui tarde néanmoins à voir le jour, au grand mécontentement des supporters. Il n’a finalement ouvert qu’en 2014 sous le nom du centre de vie Raymond-Kopa, joueur emblématique du club. Entre-temps le PSG, convaincu par la compétence de Olivier Létang, décide de lui proposer un poste de directeur sportif adjoint aux côtés de Leonardo.
L’avis de Reims VDT, compte de supporters du Stade de Reims : « Olivier Létang, c’est un sujet complexe. Il est arrivé en tant que joueur lorsque le Stade de Reims était en CFA 2. Il est vite devenu, en parallèle, responsable administratif et finance, puis il a pris de plus en plus d’importance au niveau sportif. Il y a eu des couacs, par exemple en prenant trop de joueurs en prêt sans connaître la limite imposée par le règlement. Il a subi pas mal de critiques, mais il a joué un rôle important dans la montée du club en Ligue 1. Le club est d’ailleurs redescendu quelques années après son départ. Il est pointilleux, il a ses idées et ses principes mais il a su apprendre de ses erreurs. Forcément, en tant qu’ancien joueur, le sportif l’intéresse. Mais passer de Reims au PSG, c’est une belle promotion. »
Le saviez-vous ? Après s’être maintenu en Ligue 2 en 2011, le Stade de Reims d’Olivier Létang s’apprête à vivre une saison historique, au terme de laquelle il retrouve la Ligue 1. L’un des matchs de pré-saison est d’ailleurs disputé face… au LOSC, fraîchement auréolé d’un titre de champion de Ligue 1 et d’une Coupe de France. La rencontre a lieu à Linselles. En manque de rythme, les Dogues, menés par Eden Hazard et Moussa Sow s’inclinent par un but à zéro.
Directeur sportif au PSG (2012-2017)
Alors qu’il a enfin réussi à faire monter en Ligue 1 ce qui est
devenu son club de cœur, Olivier Létang se voit proposer par
Leonardo un poste de directeur sportif adjoint. Ses compétences
semblent reconnues, après avoir été la cible de nombreuses
critiques pendant ses années rémoises. Il reste un « membre
extrêmement discret de l’organigramme » selon L’Équipe, se
contentant de veiller au bon fonctionnement du Camp des Loges.
C’est le départ de Leonardo en 2013 qui va pousser Olivier Létang à
avoir plus de responsabilités. Il commence alors à négocier les
contrats avec les joueurs. Chaque année, le PSG rafle tout sur son
passage : le championnat, les coupes nationales, le trophée des
champions… Ses qualités de gestion sont reconnues, si bien que
certains clubs anglais s’intéressent à son profil. Il décline les
offres et prend de plus en plus d’importance, jusqu’à devenir
officiellement directeur sportif du club parisien pour la saison
2016-2017. Le mercato qu’il dirige est critiqué : les recrues Jesé,
Ben Arfa, Krychowiak, ou encore Gonçalo Guedes ne donneront jamais
entière satisfaction. De plus, le Néerlandais (et ancien Dogue)
Patrick Kluivert arrive comme directeur du football. La situation
des deux hommes n’est pas claire, et Olivier Létang annonce en
avril qu’il quittera le club à a fin de la saison. Il est tenu
responsable par certains supporters de la Remontada, terrible
défaite 6-1 du PSG lors du match retour de huitièmes de finale de
Ligue des Champions. En championnat, le PSG échoue pour la première
fois depuis cinq ans à la deuxième place, laissant le titre à
Monaco.
L’ancien Manceau s’en va pour rejoindre Sports Invest UK, une
société londonienne d’agents de joueurs. Mais à peine a-t-il pris
ses nouvelles fonctions que la famille Pinault, actionnaire
majoritaire du Stade Rennais, lui propose le poste de président
délégué et manager général, en novembre 2017. Il accepte et
s’apprête donc à connaître son troisième club en Ligue 1.
L’avis de Jean-Baptiste Guégan, supporter du PSG, spécialiste en géopolitique du sport et auteur d’une Histoire populaire du PSG : « J’ai eu l’occasion d’interviewer Olivier Létang pour un livre (Ingérables coécrit avec Christophe Chenut). C’est un exemple de réussite et de reconversion. Il est l’un des rares footballeurs à avoir été capable de prendre des responsabilités opérationnelles très tôt à Reims. Ensuite, il a su se former et obtenir un diplôme de haut niveau à la fin de sa carrière, en l’occurrence un MBA (maîtrise d’administration des affaires) à l’ESSEC. Il a réussi dans le football sur la pelouse mais aussi en dehors. C’est quelqu’un de compétent et de sérieux qui connaît le football moderne sous toutes ses dimensions. Droit et rigoureux, il est très exigeant, au risque d’être peut-être parfois frontal. Lorsque ça ne va pas, il sait se faire comprendre.
Après son expérience parisienne, il devient directeur sportif de Rennes, il restructure le club et aujourd’hui on voit ce que ça a donné. Il amène Lamouchi, qui qualifie le club en C3, installe Stephan, qui gagne la Coupe de France et emmène les Rouge et Noir en C1. Il a reconstruit toute la politique du club. C’est l’un des meilleurs à son poste en France. Sur le marché des transferts, au PSG, il y a eu des réussites et des échecs, un peu comme tout le monde. Il a par exemple commencé à négocier avec Neymar, un an avant son arrivée au club. Il est très proche de Leonardo. Entre hommes de qualité, on sait se trouver et s’entendre. Après, Kluivert lui a été imposé et ça a été plus compliqué parce que la structure du club est devenue plus floue et son action compliquée.
Avec Lille, ça devait être dans les tuyaux depuis quelque temps. On ne rachète pas un club en une semaine, il faut quelques mois pour préparer et achever un closing, la procédure de rachat et de reprise d’un club. On va voir ce que le projet du nouveau repreneur piloté par Olivier Létang apporte au LOSC. Ce qui est sûr, c’est que le fonds d’investissement qui l’a choisi n’est pas là pour faire de la philanthropie, il va vouloir à un moment ou à un autre s’inscrire dans une logique de rentabilité et de profitabilité, c’est-à-dire en avoir pour son argent. Beaucoup de questions se posent. L’objectif est-il de revendre le club à court ou moyen terme ? Quelle est sa feuille de route en tant que président salarié ? Y a-t-il une porte d’entrée vers le serpent de mer d’une Ligue fermée européenne pour 2024 ? L’avenir nous le dira.
« Son départ de Rennes lui a permis aussi de réfléchir à son management et à sa relation avec son coach »
En tout cas, il va devoir gérer des situations délicates avec l’après-COVID, le manque à gagner des droits TV, les pertes opérationnelles et les perspectives très limitées par le Brexit de revenus liées au trading joueurs. Au vu de ce qu’il a pu faire par le passé et de ce qu’il a annoncé en conférence de presse, Olivier Létang va très certainement développer et chercher à optimiser, maximiser et diversifier les revenus du club à commencer par le merchandising du club ou les hospitalités. Ce que Lopez ne faisait pas ou peu. Je pense que sa nomination est une très bonne nouvelle pour le club d’autant qu’il comprendra vite ce que le football et Lille représentent pour les gens du Nord.
Par ailleurs, Olivier Létang a conscience qu’avec Christophe Galtier, il a probablement le meilleur entraîneur français de Ligue 1 à sa disposition. Ils se connaissent et s’apprécient. Son départ de Rennes lui a permis aussi de réfléchir à son management et à sa relation avec son coach. Les deux seront complémentaires et le LOSC en profitera. Finalement c’est une période passionnante de son histoire qui s’ouvre pour Lille en attendant le retour à la vie normale. »
Le saviez-vous ? Jonathan Ikoné signe son premier contrat pro lors de la promotion d’Olivier Létang au poste de directeur sportif. Les deux hommes se retrouveront donc sous les couleurs lilloises.
Président délégué et Manager général du Stade Rennais (2017-2020)
Olivier Létang arrive dans un club à la réputation de « loser » : 33 ans sans trophée, une légère tendance à s’écrouler dans le sprint final et des objectifs limités sur le plan national. Symbole de ce manque d’ambitions, son prédécesseur, René Ruello, déclare « qu’une quatorzième place pour le Stade Rennais ne serait pas décevante ». Olivier Létang est, bien au contraire, ambitieux: il comprend tout de suite que le club a du potentiel. Il impose rapidement ses méthodes et compte bien professionnaliser le club. Il renvoie Christian Gourcuff dès son arrivée et fait venir l’ancien international Sabri Lamouchi. Dès la fin de sa première saison, Rennes termine à la cinquième place, synonyme de qualification en Ligue Europa. Lors de sa deuxième saison, il décide de débarquer Lamouchi et de promouvoir l’entraîneur de la réserve, Julien Stephan, au poste d’entraîneur principal. Pari gagnant : Stephan gagne ses cinq premiers matchs. Olivier Létang l’installe durablement au poste, et le confirme pour la fin de la saison. Le Stade Rennais vit des moments historiques : pour la première fois, il passe les poules d’une Coupe d’Europe en effectuant un magnifique parcours en Ligue Europa, élimine le Betis Séville en seizièmes de finale (3-3 ; 3-1) et n’est pas loin de surprendre le grand Arsenal en huitièmes (3-1 ; 3-0). Mais ce n’est pas tout : les Rouge et Noir se hissent jusqu’en finale de la Coupe de France face au PSG, ancien club du Manceau. Menés deux à zéro rapidement dans le match, les Bretons trouvent les ressources pour revenir au score, puis finissent par l’emporter aux tirs au but. Le Stade Rennais n’avait pas gagné un trophée depuis 33 ans. Beaucoup s’accordent à dire que le club est en train d’écrire les plus belles pages de son histoire avec Olivier Létang et Julien Stéphan. Mais la fin de saison est marquée par le tacle d’Hatem Ben Arfa à son coach. Le joueur déclare : « Je suis orienté par le jeu. Je ne prends pas de plaisir (…) Ce qu’on nous propose, c’est limité. ». La direction tarde à apporter son soutien à l’entraîneur, et c’est le début d’une guerre interne entre Julien Stephan et son président. Malgré ce contexte difficile, les deux hommes restent et mènent un mercato intéressant. Le duo va permettre au club d’atteindre la troisième place, synonyme de qualification en Ligue des Champions, un point devant… le LOSC. Mais un mois avant l’arrêt du championnat, Olivier Létang quitte le Stade Rennais contre toute attente. Son départ ne dépend en réalité pas de lui : c’est la famille Pinault qui est intervenue directement. Son conflit avec l’entraîneur aurait eu raison de lui. Ce n’est pas tout : son attitude autoritaire aurait terrorisé certains employés du club. Il n’en fallait pas plus aux propriétaires historiques pour limoger celui qu’ils avaient fait venir moins de trois ans auparavant. Létang part en laissant le club pour la première fois de son histoire en Ligue des Champions. Le bilan sportif de sa présidence est excellent : un trophée, deux qualifications en C3 et une en C1.
L’avis de rougememoire.com, site de supporters du Stade Rennais : « Le passage d’Olivier Letang est et restera dans l’histoire du club. Il est arrivé après les années Ruello, durant lesquelles le Stade Rennais manquait cruellement d’ambition. Le président Olivier Létang a apporté avant tout la culture de la gagne ou plutôt le refus de l’échec, et ce, à tous les niveaux du club. Il a été exigeant avec tous les salariés comme il l’est avec lui-même. Sur le papier, ça ne fait pas rêver mais force est de constater que la formule a fonctionné, en témoignent les résultats obtenus ces trois dernières années. Son bilan est unique au club: le plus gros transfert (avant Doku), trois qualifications en Coupe d’Europe, un premier trophée depuis 33 ans… Il est difficile de savoir si ces résultats sont à mettre au mérite de la direction et/ou du coach. Les résultats depuis le changement de présidence démontrent que Julien Stéphan fait du bon boulot même sans le président qui lui a donné sa chance. (…) Concernant le mercato, il a un bilan plutôt équilibré, avec des échecs (Sakho, Guitane, Siebatcheu) et de bonnes pioches (E. Mendy, Da Silva, Niang…). Son départ a été suivi d’un climat de tension avec les supporters. Il y avait un sentiment de sabordage. Mais si les Pinault ont agi si brutalement, c’est qu’ils avaient leurs raisons. »
Le saviez-vous ? A son arrivée fin 2017, Olivier Létang décide de limoger Christian Gourcuff. Sont pressentis pour le remplacer : Claude Puel, et un certain Christophe Galtier, qui signera au LOSC quelques semaines plus tard.
Olivier Létang arrive avec un projet flou, dans un club en mauvaise santé financière, mais qui dépasse sportivement toutes les attentes. Il doit reconstruire tout un organigramme, et aura tout à prouver dans le Nord. Souhaitons-lui la bienvenue et autant de réussite que ce qu’il a pu connaître avec ses anciens clubs.
Joseph Da Rocha
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