Football
Edwin Pindi, le Dogue devenu dirigeant de club
Joueur du LOSC des pupilles jusqu’en CFA, Edwin Pindi quitte son club formateur en 2004 sans avoir connu le milieu professionnel. Après un parcours honorable de footballeur amateur (Lesquin, Wasquehal, Calais et Dunkerque), l’ancien défenseur est désormais secrétaire général de l’USL Dunkerque en National 1.
Peux-tu nous raconter le début de ton parcours au LOSC ?
J’évoluais dans un club de quartier à Lille Sud au début des années quatre-vingt dix. Vers l’âge de neuf ans, mon club m’a conseillé de faire une détection au LOSC avec quelques coéquipiers. C’est ainsi qu’à la fin du mois d’août 1994, j’ai pu faire mes preuves devant José Huygue, alors en charge des clubs partenaires. Après l’avoir convaincu, j’ai pu intégrer les pupilles de Lille aux côtés de Mathieu Debuchy ou Philippe Liard.
À quoi ressemblait le régime sport-études du LOSC de l’époque ?
Le centre de formation était situé à Grimonprez-Jooris, la scolarité et les lieux d’entraînement étaient en revanche éparpillés sur toute la métropole. Nous avions des horaires aménagés, mais étions dans des établissements scolaires classiques. Je finissais les cours vers 16h, et j’avais ensuite entraînement chaque jour jusque 19h30 à Grimonprez, puis au Stadium Nord à partir de 2000. À cette époque, seuls les joueurs qui n’étaient pas de la région étaient hébergés sur place. Pour les autres, nous avions la chance de rentrer chez nos parents chaque soir. C’était mon cas, au domicile familial de Wattignies, où j’étais bien entouré.
Une organisation bien différente du Domaine de Luchin actuellement…
Dès 1998, on nous parlait déjà d’un nouveau centre d’entraînement (finalement, le domaine de Luchin sera inauguré en septembre 2007 ndlr). Dans l’attente on s’entrainait majoritairement sur le fameux terrain rouge du stade Adolphe Max, jusqu’en moins de 13 ans. On y jouait encore un peu en 15 ans nationaux. Alors, imaginez la joie éprouvée lorsque le club s’est doté d’un petit terrain synthétique adossé à Grimonprez. On était les plus heureux du monde quand les pros nous le laissaient. D’ailleurs, on les croisait de temps en temps. Mais le club et les éducateurs veillaient à maintenir une certaine magie autour du groupe pro, pour que chacun de nous, puisse considérer le professionnalisme comme un graal à atteindre.
« Ribéry ? Rien ne laissait présager un tel niveau »
Durant ta formation, de quels joueurs as-tu été le plus proche ?
Mes plus anciens partenaires étaient Mathieu Debuchy et Philippe Liard justement, avec qui j’ai eu des affinités très tôt. Je passais aussi beaucoup de temps au lycée avec Rémi Demeer, Nicolas Aubriot, Cédric Raviat, Matthieu Debisschop, qui ont tous eu leur petite carrière… Je suis toujours en contact avec les deux derniers et on continue à se voir. Cédric qui était gardien de but jusqu’en équipe réserve a stoppé très vite le foot, vers 20 ou 22 ans et est aujourd’hui chef d’entreprise. Matthieu a lui fait plusieurs saisons en pro du coté de Mons (70 matchs et 2 buts en D1-D2 belge, ndlr).
Quel joueur t’a le plus impressionné au centre de formation à ce moment là ?
Dès mon arrivée en 1994, Mathieu Debuchy, qui n’avait pourtant pas 10 ans, avait déjà sa petite réputation. Cependant j’ai toujours connu des équipes homogènes à Lille, où le collectif primait sur l’individu. Ça m’empêchait peut-être de voir quel joueur était meilleur qu’un autre. Je citerai tout de même Jean II Makoun, de deux ans plus vieux que moi. Dès son arrivée en provenance du Cameroun, on a senti qu’il ferait carrière au haut niveau et qu’il deviendrait un bon joueur de Ligue 1.
Selon toi, quel joueur promis à un bel avenir à ton époque n’a pas réussi à faire carrière ?
Sans hésiter je citerais Mathieu Maton, de la génération 1981, qui était un énorme talent du centre. Pour nous tous, il devait faire carrière et devenir un vrai buteur de Ligue 1. Il a même fait partie de l’équipe de France championne d’Europe des moins de 18 ans (en 2000), qui a ensuite vu éclore plusieurs internationaux comme Philippe Méxès, Gaël Givet, Bernard Mendy ou Djibril Cissé.
Tu as également connu Franck Ribéry durant ces années de formation…
Oui, Franck était là aussi, il a passé 4 ans au centre (de 1995 à 1999, ndlr). Malgré sa fine technique, il était relativement petit et ne sortait pas du lot. Il n’était pas titulaire dans sa catégorie et cumulait avec des soucis extra-sportifs. Quand il a été écarté par le club, beaucoup de camarades se demandaient comment il allait s’en sortir. La carrière qu’il fait derrière est exceptionnelle, je le félicite d’avoir eu cette force de rebondir. Mais je le répète, rien ne laissait présager qu’il atteindrait un tel niveau lorsqu’il a quitté Lille.
Les joueurs passés par le centre de formation lillois entre 1992 et 2012 évoquent souvent l’emblématique Rachid Chihab. Comment était-il avec vous ?
J’ai connu Rachid Chihab durant 4 saisons, puisqu’il a suivi ma génération des U15 aux U17. Il était effectivement reconnu pour son exigence. Il criait beaucoup et ses coups de gueule impressionnaient les adolescents que nous étions. Mais si je devais ressortir un entraîneur important dans mon parcours, je dirais Philippe Lejour (éducateur au LOSC, pendant 30 ans, aujourd’hui reconverti dans le monde du théâtre, ndlr), c’est lui qui nous dirigeait en pupilles et qui m’a donné envie de faire ce métier. À cet âge-là, l’enjeu est moindre et au-delà de la compétence de l’éducateur, on ressentait de l’amour pour les joueurs. Didier Renard est aussi celui qui m’a permis de progresser à mon arrivée dans cette catégorie. Par la suite j’ai apprécié évoluer avec des entraîneurs aux personnalités différentes et donc complémentaires, comme Michel Robillart (encore coach des U13 en 2019/20, ndlr) ou Pascal Plancque qui entraînait la réserve en CFA pour ma dernière année au club.
Comment était l’ambiance entre les jeunes au centre de formation ?
Nous sommes nombreux de ma génération à être issus de la métropole lilloise et à avoir gravi les échelons jusqu’en CFA. Evidemment à chaque fin de saison, il y avait le couperet qui tombait. Tous les ans je voyais des copains qui quittaient le club en pleurs, avec parfois des parents mécontent envers la direction. Mais sur l’ensemble de mon passage, on peut dire que l’ambiance générale était détendue et conviviale. Le fait que nous n’avions pas encore de « Luchin » et que le système D était de mise, a sûrement contribué à cette solidarité entre nous.
Plus d’un tiers des joueurs de votre groupe ont connu la joie d’évoluer avec les professionnels (le trio Cabaye, Debuchy, Fauvergue, mais aussi Peter Franquart, Henri Ewane, les frères Robail, Yohan Lacroix ou Alexis Zywiecki). Qu’a-t-il manqué pour que tu aies toi aussi ta chance avec l’équipe première ?
Je n’ai jamais été convoqué pour un entraînement avec les professionnels, ni par Vahid ni par Puel. Quand tu as 19 ans, tu as forcément beaucoup de déception et d’amertume. J’étais titulaire en défense dans toutes les catégories à Lille, et régulièrement capitaine. Le seul petit regret est de ne pas avoir eu ma chance une ou deux saisons supplémentaires avec la réserve. Je n’y ai fais qu’une saison, en 2003/04.
« Le doublé de 2011, l’apogée du centre de formation »
C’est là que l’aventure avec le LOSC s’arrête. Comment se passent les années qui suivent ?
Quand Claude Puel me dit : « Tu pourras jouer en Ligue 2 ou en National, mais pas dans un club qui joue les premiers rôles en Ligue 1 », je me suis dit que je pourrais rebondir en Ligue 2. J’ai d’ailleurs eu quelques touches avec Guingamp, mais sans suite. Après ça le téléphone n’a pas beaucoup sonné , alors je suis allé m’aguerrir dans des clubs amateurs.
D’abord à l’US Lesquin, où j’ai retrouvé quelques anciens du centre lillois comme Grégoire Debuchy et Julien Decroix. Au début je n’y touchais que des primes d’entraînement, sans salaire fixe mensuel. Lesquin venait de monter en CFA et c’était complètement différent d’une réserve de club pro. Par exemple, certains joueurs partaient en vacances quelques jours après la reprise… C’était complètement impensable à Lille où je faisais du foot sept jours sur sept. J’ai fini par signer un contrat-fédéral à Lesquin qui me permettait de vivre correctement, et j’y suis resté jusqu’en 2007.
Après deux années à l’ES Wasquehal, je suis parti à Calais qui nourrissait alors de grandes ambitions sportives, mais le financier n’a pas suivi et le CRUFC a été rétrogradé. C’est donc en juillet 2010 que j’ai atterri à Dunkerque, alors en CFA 2. J’avais déjà ma petite réputation dans le monde amateur et après deux montées consécutives, j’ai tout de même disputé trois saisons de National, plus de 60 matchs. J’y ai été capitaine pendant plusieurs saisons et j’ai arrêté ma carrière en 2016. Évoluer dans ce monde semi-pro m’a construit. Je suis très heureux et fier des responsabilités qui sont les miennes aujourd’hui.
Que penses-tu de la formation à Lille actuellement ?
Pour moi, le doublé de 2011, même s’il commence à dater, est l’apogée du centre de formation. La composition du groupe champion témoignait d’un travail de presque deux décennies au sein du centre. En l’analysant, on y trouve de nombreux joueurs passés par la réserve, mais avec des profils différents. Sans parler de Cabaye ou Debuchy pour qui passer pro était une suite logique, on alterne d’un profil à la Stéphane Dumont (né en 1982), le bon soldat qui a persévéré pour avoir sa chance et qui est un véritable garant de l’identité du club… Jusqu’à un profil à la Eden Hazard (né en 1991) au talent naturel, débauché en Belgique. En passant par des joueurs aux parcours plus atypiques comme Rami ou Chedjou post-formés à Lille sur le tard.
Derrière le doublé 2011, il y a forcément un changement de statut, le centre est observé davantage, et l’exigence de l’équipe première augmente. Ça s’est vu aussi à Montpellier qui crée la surprise en 2012 après avoir gagné la Gambardella en 2009 (génération Belhanda, Stambouli Cabella). Tu passes d’une politique de former des jeunes à intégrer progressivement en Ligue 1, à l’attente de résultats sportifs immédiats et de joueurs capables d’évoluer en Champions League. En France, seul Lyon arrive durablement à résoudre cette équation, en sortant de nombreux jeunes de son centre, tout en restant performant dans ses résultats.
Pour Lille, le contexte n’a pas aidé à partir de 2015, où la recherche d’un repreneur a pris un peu de temps sur la fin de mandat de Seydoux. Face aux difficultés financières, le centre n’avait plus le même rôle (cf : vente de Martin Terrier après seulement 15 matchs de L1). Depuis 2017 et la nouvelle gouvernance, la stratégie est différente, sur le modèle de Monaco, mais elle semble porter ses fruits.
Quel est ton avis sur la « bulle de protection » qui entoure désormais les jeunes footballeurs ?
Pour revenir sur ma scolarité, je suis très heureux d’avoir pu bénéficier d’un contexte scolaire « normal ». Malgré les horaires aménagés, le fait d’être dans un lycée avec d’autres élèves non-footballeurs, permet de garder les pieds sur terre et de rester au contact de la société. Surtout entre 13 et 18 ans, je pense que c’est le gros danger d’aujourd’hui. Si un jeune est isolé dans sa bulle trop jeune, que les cours lui sont dispensés directement au centre de formation, et qu’il n’a aucun contact avec la réalité, ça peut être déstabilisant. Surtout pour celui qui ne passe pas pro et doit se reconvertir avant même la majorité.
Le contexte d’aujourd’hui, avec l’explosion des droits télés, des indemnités de transferts et des salaires… peut faire perdre la tête. Un jeune gagne beaucoup plus d’argent, et de plus en plus tôt. Il y a aussi le mécanisme des contrats signés pour « sécuriser » un jeune talentueux et éviter qu’il soit récupéré par un club concurrent. Cependant, même avec un contrat stagiaire ou pro, rien n’indique qu’il aura sa chance à l’issue de sa formation, même en National ou en National 2.
Peux-tu nous détailler ton rôle de secrétaire général à Dunkerque ? Comment s’est faite cette reconversion, quatre ans seulement après ta retraite de joueur ?
Tout d’abord je souhaite remercier ma famille. Je me sens redevable envers mes parents qui m’ont toujours très bien encadré. À ce titre, avant même de quitter le LOSC, j’avais entamé une licence d’anglais en profitant de la proximité de la faculté avec les terrains annexes du Stadium, où s’entraînait l’équipe réserve.
Dès mes 25 ans, à mon départ de Calais en 2010, je me suis intéressé à l’envers du décor en préparant un master en management sportif. Jusqu’à la fin de ma carrière de joueur, je me suis donc intéressé aux rouages d’un club, ce qu’un joueur ne voit pas forcément en profondeur. Ce que tout le monde ne sait pas, c’est que j’ai commencé à travailler à l’intérieur du club de Dunkerque dès 2011 alors que j’étais joueur. J’ai découvert plusieurs secteurs comme la communication, le commercial et les missions administratives. Je suis progressivement devenu bras droit du président de l’USLD et j’occupe aujourd’hui ce poste de secrétaire général depuis l’arrêt de ma carrière.
Comment se passe ce nouveau rôle de dirigeant ?
Je prends énormément de plaisir dans la stratégie globale à mener. Contrairement à un top club de Ligue 1, les tâches sont moins segmentées et je participe aux décisions dans toutes les composantes du club : le recrutement du staff, des joueurs, la recherche de subventions, de sponsors. Je prépare aussi les passages devant la DNCG. Dans un tel poste, on porte toute la précarité d’un club semi-pro sur les épaules.
Notre projet est assez ambitieux, une première tribune du stade a été rénovée cette année. Et le nouveau Tribu sera livré fin 2020/21. À cette date, on espère avoir obtenu le statut professionnel et pouvoir s’y installer durablement.
As-tu encore des relations professionnelles avec le LOSC ?
En quelque sorte. Petit clin d’œil du destin, à l’été 2016, j’ai négocié les prêts d’Alexis Araujo et de Romain Jamrozik directement avec François Vitali et Jean-Michel Vandamme, qui étaient dirigeants du centre de formation lors de mes années lilloises. Il y a aussi Didier Santini, que je croisais furtivement sur les terrains de la citadelle en 2000, qui a été coach de notre équipe première deux saisons. J’ai aussi pris plaisir à retrouver Eric Allibert (entraineur des gardiens dunkerquois de 2016 à 2019 ndlr) avec qui j’ai joué en 2002 à Lille, quand je montais en réserve et lui descendait des pros.
Avant la mise en place du confinement, le club était deuxième et donc en bonne posture pour monter en Ligue 2. Qu’en est-il ?
On est dans l’expectative. On fait énormément de conférences téléphoniques sur Skype ces derniers temps. J’attends jeudi et la décision du président de la FFF, même si la LFP aura aussi son mot à dire concernant les montées vers la Ligue 2. Contrairement aux clubs pros, en N1 il n’y a pas de droits télés, donc les pertes en billetterie et sponsoring vont faire mal. Pour l’heure c’est la santé avant tout, et le maintien de la quarantaine d’emplois que j’ai en charge au sein du club. Pour le sportif, il existe plusieurs scénarios, mais évidemment seule la montée nous intéresse (rires). Ce serait pour moi une grande fierté de découvrir le professionnalisme, en tant que dirigeant, après être passé tout proche en tant que joueur.
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