Publié le 24 décembre 2025 à 13:09

Par - Catégories : Football, LOSC-

Pour conclure l’année 2025 en beauté, nous avons passé un bout de temps avec Jérémy Lison, supporter lillois ayant passé les douze mois écoulés avec le LOSC. Il n’a rien raté et, passionné, nous l’avons simplement écouté. Voici la fin de votre calendrier de Noël.

Du haut de ses 34 ans, Jérémy Lison, auteur du livre « Itinéraire d’un supporter gâté » dont l’ensemble des bénéfices ont été reversés à une association locale, n’est pas un supporter tout à fait comme les autres. S’il est aujourd’hui engagé dans une reconversion professionnelle, à la recherche « de nouveaux défis », comme il aime le dire, sa vie est toujours marquée par le LOSC, qu’il accompagne contre vents et marées. En 2025, il n’a pas manqué un seul de ses matchs.

664 matchs, 98 stades, 19 pays : Voilà l’historique de Jérémy Lison, qui fait bien mieux que des Rio Mavuba (370 matchs avec le LOSC), Florent Balmont (323 matchs) ou encore André Strappe (318 matchs). Il faut dire que ce fou du LOSC, qui possède même son propre drapeau confectionné pour son centième déplacement, a pu s’inspirer d’un fan de la première heure.

« Je suis devenu supporter du LOSC grâce à Jean, le cousin de ma grand-mère, nous révèle-t-il, profitant de ces quelques minutes pour lui rendre hommage. Il avait connu la création du club en 1944, tous les stades. Il avait une photo qui doit valoir son pesant d’or, il faudrait que je la retrouve, sur laquelle il y avait l’équipe de 1946. Elle était dédicacée par l’ensemble de ses joueurs. » Jérémy a ainsi commencé à suivre le LOSC au début des années 2000, au début de l’ère Claude Puel. Il suit désormais les Dogues comme son ombre.

La passion du voyage

Quel est ton rapport au voyage ?

J’aime voyager. J’y ai pris goût un peu grâce au LOSC finalement. J’ai commencé à prendre du plaisir à voyager, même en dehors du football. Cela m’a permis d’être plus ouvert, de découvrir de nouvelles cultures, de tout simplement m’ouvrir au monde.

À quel moment t’es-tu dit que tu allais suivre le LOSC partout ?

J’ai véritablement commencé à faire les déplacements du LOSC à l’âge de 18 ans parce qu’avant ça, c’était assez compliqué de le faire avec ma famille, même pour les matchs à domicile. J’ai ensuite débuté par les déplacements qui étaient les plus proches, ceux accessibles en bus. J’ai ensuite commencé à faire quelques déplacements européens, mais c’était vraiment à l’arrache (sourire).

Je me rappelle par exemple d’un déplacement à Milan, où j’arrive sur place sans hôtel ni rien du tout. Je me disais toujours, à l’époque, que je pouvais me débrouiller. Maintenant, c’est bien différent. Je suis un peu plus mûr et bien plus organisé. D’ailleurs, le LOSC devrait peut-être ouvrir une agence, parce que dès qu’il faut faire un déplacement européen, je reçois des messages qui pour me demander des conseils pour organiser le voyage. Avec le temps, j’ai beaucoup évolué (sourire).

Quel a été ton tout premier déplacement ?

Mon tout premier déplacement officiel, ce n’était vraiment pas loin. J’étais allé à Valenciennes, si je me souviens bien de la date, le 28 février 2009 (défaite lilloise, 2-0). C’était vraiment le déplacement le plus proche en bus.

À l’étranger, c’était aussi un peu de la triche puisque c’était un bref déplacement à Genk, en Belgique. Je l’avais fait en bus aussi à l’époque, avec des sections. C’était d’ailleurs mon troisième déplacement, après celui de Valenciennes puis un autre au Havre. Le LOSC évoluait déjà en Coupe d’Europe, donc après deux matchs de Ligue 1, j’avais eu envie de profiter de l’occasion.

Comment expliques-tu le fait d’avoir enchaîné ensuite ? Comment as-tu été piqué ?

J’ai été pris par la passion, l’engouement. Mais j’avais aussi cette appétence pour les rencontres. Les déplacements, c’était pour moi l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes. Je découvrais aussi de nouveaux stades. Et puis, j’ai le LOSC dans le cœur. Et pour moi, il y a une différence majeure entre le fait d’être au stade pour supporter son équipe, plutôt que d’être affalé dans son canapé devant son écran de télévision. C’est pour ça que je continue encore aujourd’hui, c’est parce que j’aime vivre réellement les choses.

Des rencontres marquantes

Tu me parles de rencontres. Près de quinze ans après ton premier déplacement, des découvertes sont-elles devenues des amis ?

Ah bah oui ! Je vais faire une dédicace à Monsieur T, comme je l’avais appelé dans mon livre parce qu’il ne veut pas donner son prénom, et bien Monsieur T est devenu l’un de mes meilleurs amis. On s’est rencontré autour d’un match du LOSC, et là, il va bientôt se marier et je vais être le témoin de son mariage. Comme quoi, le football peut nouer de vraies amitiés.

On s’était d’abord rencontré en tribune Nord, puis on avait enchaîné avec des déplacements. Cela nous arrive encore aujourd’hui, même si c’est ponctuel. On a tous notre vie et ses restrictions (Monsieur T est professeur d’histoire et de géographie). Il a toujours le LOSC dans la peau, mais se contente plutôt des vacances scolaires pour se retrouver. On a fait Prague et Madrid la saison dernière.

Devenir une agence de voyage

Plus que d’avoir le LOSC dans la peau, il faut aussi être prêt à sacrifier une grande partie de ses revenus pour enchaîner les déplacements. Comment t’es-tu décidé à ce niveau-là ?

J’ai toujours eu l’habitude de mettre beaucoup d’argent de côté et j’ai eu la chance de ne pas avoir trop de souci à me faire à ce niveau-là. Par contre, quand je me déplace, je cherche toujours le moyen, soit de rentabiliser le déplacement, soit de me déplacer de la façon la moins chère possible. J’ai un exemple qui me vient toujours en tête, c’est le déplacement à Ljubljana qui date d’il y a deux saisons (Ligue Conférence, 0-2). Si j’avais pris le direct, j’en aurais eu pour 250 € pour l’aller-retour. Moi, dans ces conditions-là, je cherche absolument le meilleur rapport qualité-prix. J’avais fait un itinéraire bis, en partant de Charleroi vers Trévise (Italie), pour ensuite prendre le bus jusqu’à Ljubljana. C’est ce que j’avais trouvé de moins cher à l’époque.

J’ai un autre exemple plus récent avec les barrages de Ligue des Champions à Istanbul. À l’époque, on devait soit tomber contre Lugano (Suisse), soit contre Fenerbahçe (Turquie). Là, j’avais réalisé un pari. Entre les deux équipes, j’avais estimé que le Fenerbahçe avait beaucoup plus de chances de se qualifier pour le tour suivant que les Suisses et je m’étais donc renseigné en amont sur le meilleur itinéraire possible : c’était de prendre l’avion jusqu’à Sofia, capitale de la Bulgarie, pour ensuite prendre le bus. J’avais vu un vol pas trop cher, autour de 40 €, pour aller jusqu’à Sofia. J’ai pris mes billets après le match aller que les Turcs avaient remporté (3-4).

Est-ce que faire ce genre de choses t’as parfois fait vivre des mésaventures ?

Je suis vraiment devenu quelqu’un de très organisé. Et donc là, comme ça, rien ne me vient en tête. Je crois que tout a toujours bien été, même si certains passages de frontières peuvent parfois être plus longs que d’autres.

Aujourd’hui, en t’écoutant, ai-je raison si je me dis que tu as les réflexes d’une agence de voyage ?

Oui (sourire), un petit peu c’est vrai. Mine de rien, on joue régulièrement l’Europe donc je connais un peu les destinations de tous les vols low-cost. Je suis toujours très organisé avant les tirages. Je m’amuse même parfois, en amont, à anticiper tous les adversaires possibles. Par exemple, pour la Ligue Europa, j’avais anticipé le coup avec le Celta Vigo, dont la ville n’est pas directement desservie.

J’ai tout de suite vu qu’il fallait que je me rende en avion à Porto avant de prendre le bus. C’est vrai qu’il faut aussi prendre ça en compte, le fait que la Ligue Conférence ou la Ligue Europa ne t’amènent pas toujours dans de grandes villes. Il n’y a donc pas toujours les aéroports et donc je regarde en avance les itinéraires bis. J’avais aussi regardé pour Salzbourg, ce qui m’avait permis de prendre l’avion jusqu’à Vienne, avant de prendre un bus ou un train.

Quand tu prends du recul, cela t’arrive-t-il de regarder tout ce que tu fais et d’en rigoler ?

Ah bah bien sûr ! Là, je suis d’ailleurs sur une belle série, celle d’assister à tous les matchs du LOSC en 2025. Ça m’arrive de me dire, en rigolant, qu’il faut que j’y mette fin. Un peu comme Émilien dans « Les Douze Coups de Midi » (le recordman du nombre d’émissions remportées). Mais à partir d’un moment, elle va s’arrêter (sourire). Ce n’est pourtant que du football, il n’y a pas que ça dans la vie. Là, j’aimerais faire le Grand Chelem sur la saison 2025-2026. Mais à un moment donné, on ne peut pas faire que ça et ça va prendre fin.

Des découvertes inoubliables

Est-ce que tu arrives à comptabiliser tous les déplacements que tu as pu faire ?

Oui ! Je vais en profiter pour leur faire un petit peu de publicité. J’utilise l’application Futbology qui permet de référencer tous ses matchs. Je le mets de temps en temps à jour et tu as vraiment toutes tes statistiques exactes. Je suis quatrième pour le LOSC. Le premier était déjà supporter avant ma naissance, donc on va dire qu’il y a prescription (rires). Le deuxième est un membre des Go Rijsel Spirit et le troisième, c’est le meneur de la section Linselles que je mets à l’honneur parce qu’il a franchi le cap des 300 déplacements l’année dernière. C’est lui aussi un grand baroudeur du LOSC.

Quand on voit tes statistiques, c’est énorme. C’est une volonté pour toi de découvrir de nouvelles choses. Tout bêtement, la Ligue Conférence, c’est une compétition qui t’excite un peu plus ?

Ah bah, tout à fait. C’est vrai que sportivement, ça ne tient pas les choux. Mais pour avoir été aux Îles-Féroé, c’était quelque chose d’extraordinaire. C’était féerique.

Pour te dire, le football, dans ce genre de déplacement, c’est anecdotique. C’est même un prétexte. Quand je revois les images, j’étais limite ému quand j’y étais avec les paysages, le contact avec la nature. C’est vrai qu’il y a des destinations improbables avec la Ligue Conférence. C’est une compétition qui est un peu le rêve de beaucoup de voyageurs.

Jérémy Lison en déplacement aux Îles-Féroé.

Jérémy Lison en déplacement aux Îles-Féroé.

Justement, en parlant de tout ça, y’a-t-il des déplacements qui t’ont particulièrement marqué, plus que les autres ?

Ce sont toujours des déplacements européens et, plus anciennement, j’ai eu la chance de faire Krasnodar (27 novembre 2014, 1-1) en Russie. C’est plus compliqué d’y aller aujourd’hui au vu du contexte géopolitique, mais c’était quelque chose. Il y a eu Klaksvik, pour les Îles-Féroé donc, et Istanbul que j’ai beaucoup appréciée. C’est aussi une ville que je souhaitais visiter en dehors du football, une culture que je voulais apprendre à connaître. J’étais très curieux avant ce déplacement. Istanbul, l’ambiance de la ville et puis dans le stade, c’était fou, totalement fou. C’était extraordinaire. Par exemple, à Belgrade, j’avais été assez déçu.

Pourquoi me parles-tu spontanément de ce déplacement à Krasnodar ?

C’est marquant parce que c’est vraiment une ville improbable. Cela doit être la 14e ville de Russie. Tu n’y vas que pour du football, pas pour aller en vacances avec ta copine. C’est une destination assez improbable.

J’ai bien aimé le côté soviétique, l’architecture. On voyait encore l’héritage communiste un peu partout. On n’avait été que trois à faire les déplacements, avec Jean-Pax et Jérôme. Avec la ferveur que l’on a aujourd’hui, je suis certain que l’on serait une trentaine. Maintenant, on a une belle affluence dans les parcages. Et l’engouement, cela se ressent vraiment.

Jérémy Lison en déplacement en Russie.

Jérémy Lison en déplacement en Russie.

C’est justement un sujet que je souhaitais évoquer. Toi qui es un pionnier, est-ce que tu sens une évolution positive à Lille et à l’extérieur ?

Tout à fait. Je pense déjà que depuis le déconfinement, les gens ont pris conscience de ce que voulait dire le terme « vivre ». Il y a donc beaucoup plus de monde au stade. Il y a aussi les réseaux sociaux sur lesquels on partage plus spontanément ses déplacements et ça doit sans doute donner envie aux gens de participer, que ce soit à Lille ou ailleurs. Maintenant, avec toutes les offres qui existent, il y a de plus en plus de moyens qui permettent de voyager à des prix raisonnables. Je pense que ça a facilité le supportérisme dans toute la France. Tout ça a joué positivement.

De plus en plus de personnes osent se déplacer. On partage de plus en plus nos bons plans. Vraiment, on voit l’engouement sur les réseaux.

« J’espère que je connaîtrais de mon vivant une victoire du LOSC en Coupe d’Europe »

Pour en revenir à tes déplacements favoris, quels sont les matchs qui t’ont le plus marqué en déplacement ?

Je suis obligé de retourner à Istanbul. Même les photos et les vidéos que l’on prenait ne suffisaient pas pour retranscrire ce que l’on vivait. C’était vraiment extraordinaire. Même une heure avant le match, c’était déjà un volcan. Le stade et le public ne font qu’un, et donc avoir marqué à Istanbul, dans ce stade, c’était fou. Je me souviens aussi très bien d’une victoire à Lorient, époque René Girard, qui nous permet de nous hisser sur le podium alors que l’on aurait pu tomber bien plus bas. Et puis, l’année du doublé, c’est la victoire à Nice en demi-finale de la Coupe de France.

Après avoir vécu tous ces déplacements, rêves-tu encore de certaines destinations ?

Non, plus vraiment, ou du moins ce n’est pas forcément rattaché au LOSC. Je rêve par exemple d’aller voir des matchs en Amérique du Sud. Là, je me laisse porter par les compétitions européennes. Ce sont elles qui me poussent à découvrir de nouvelles villes comme Vigo en janvier. Ce sont elles qui décident de ce qu’elles m’offrent. C’est le hasard et je vais là où il faut aller (sourire).

Mais bon, à choisir quand même, il y a le club de Besiktas, toujours en Turquie, où l’on m’a dit que l’ambiance était encore meilleure qu’avec le Fenerbahçe. Il y a aussi le Celtic Glasgow. On n’avait malheureusement pas pu y aller à l’époque du Covid, avec le confinement. Après, je ne dirais pas non à un déplacement en finale. J’espère que je connaîtrai de mon vivant une victoire du LOSC en Coupe d’Europe.

Le 100 % en 2025

Nous avons retrouvé Jérémy quelques semaines plus tard. S’il avait parfois envisagé l’idée de mettre un terme à sa série, à l’image d’Émilien des Douze Coups de Midi, il est bien allé au bout, assistant à l’intégralité des rencontres disputées par le LOSC (en compétitions officielles) sur l’année civile 2025. Dans sa quête, ce fou du LOSC a été accompagné par Titi, qui a également réalisé le Grand Chelem et par Carlito, qui n’a plus manqué un seul match à l’extérieur (matchs amicaux compris) depuis 2022.

Pour conclure cet entretien en beauté, il a alors identifié et désigné, pour nous, son meilleur et son pire déplacement de l’année :

  • Le meilleur : Mon déplacement préféré de l’année a été celui à Liverpool (21 janvier, défaite lilloise 2-1). Je n’avais pas pu m’y rendre en 2010 et y aller un jour était véritablement devenu un objectif. Alors, y être quinze ans plus tard, c’est une belle preuve de patience.
  • Le pire : C’est assez récent, puisqu’il s’agit du déplacement à Strasbourg. J’étais véritablement au bout du rouleau à mon retour de Belgrade. Tout ce qu’il s’est passé, en plus du match horrible, je ne peux en faire que mon pire déplacement.

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