Rejoignez nous !

Basket-ball

Entretien exclusif avec Jean-Victor Traoré (LMB) : « Je suis fier de l’équipe que l’on a construite ensemble »

Publié

le

Crédit Photo : LMB Médias

Il y a quelques semaines de cela, Le Petit Lillois partait à la rencontre de Jean-Victor Traoré, manager général du Lille Métropole Basket. L’occasion de discuter de nombreux sujets, de son propre rôle au sein du club aux résultats sportifs en passant par les finances serrées du club nordiste.

« Je pense que dans les plus beaux rêves des supporters lillois, on ne peut pas imaginer ce qu’on est en train de réaliser. Il faut en profiter car le sport de haut niveau n’est pas une science exacte. On ne sait pas ce qui va se passer », nous confiait-on. C’est sur ses quelques mots que Maxime Bézin, entraîneur du Lille Métropole Basket, clôturait l’entretien accordé à notre micro il y a quelques semaines de cela. Une poignée de jours plus tard, c’est son manager général, Jean-Victor Traoré, qui n’a pas hésité avant de nous ouvrir les portes de son bureau. Aujourd’hui, soit ce mercredi 14 février, les RedGiants sont en douzième position mais viennent d’empocher un précieux sur le parquet de Châlons-Reims (68-70). Une victoire qui pourrait en appeler d’autres.

  • Avant de véritablement commencer, peux-tu nous rappeler les missions qu’incombe ton rôle et comment cela s’illustre au quotidien ?

Alors depuis un an et demi, vraiment depuis le dernier match de ma carrière de joueur, j’ai tout de suite enchaîné avec Max (Maxime Bézin, entraîneur du LMB) pour le recrutement de la saison suivante à sa demande. Il fait le gros du scouting et en fait moi, mon rôle dans le recrutement, c’était de raccourcir un peu le process de décision parce qu’historiquement, il y avait pas mal d’administrateurs qui étaient impliqués dans le recrutement et c’était parfois un peu long lorsqu’il fallait réunir tout le monde. En fait, mon arrivée a permis de raccourcir un peu tout ça. Ma première fonction était là. Ensuite, c’est de coordonner tous les autres métiers du club.

  • Tu fais le lien entre chaque secteur au sein du club ?

C’est exactement ça. Je coordonne toutes les actions et le lien entre les administrateurs et les bureaux, le sportif. Ensuite cette année, avec le changement de gouvernance, qui est là depuis longtemps au club mais qui n’avait pas ce rôle-là du tout et qui est en train de prendre ses marques, je suis très présent afin de pouvoir balayer de nombreux sujets. Cela peut être de remettre à plat certaines choses ou se lancer dans un nouveau fonctionnement et en même temps, je suis sur l’opérationnel avec les équipes et le sportif.

  • Ce rôle n’existait pas avant au Lille Métropole Basket, comment se fait-il que tu sois parvenu à la créer et à devenir une pièce majeure au sein du club ?

En tant que joueur, j’ai eu le temps d’observer ce qu’il se faisait ailleurs et ce qu’il manquait ici selon moi. J’ai fait une sorte d’état des lieux du club et au fur et à mesure, j’ai construit le rôle adéquat à mes yeux.

  • Tu as toujours eu l’envie de t’inscrire à long terme à Lille, où tu as joué six ans ?

Je dis toujours que j’ai été bien accueilli ici en 2014, tant par la ville, qui est très chaleureuse, que par ses habitants, qui m’ont parfois fait visiter ou tout simplement accueilli pour des repas conviviaux. J’ai vraiment eu ce sentiment d’être accueilli dans une famille et c’est d’ailleurs ici-même que je fais mes meilleures années sur le plan individuel. Il me reste un an de contrat avec Lille à l’époque, mais je vais ensuite au Portel. Le club me laisse partir sans me retenir alors que j’avais encore un contrat, un peu comme s’il laissait son enfant grandir et j’ai toujours gardé ça en tête. Je vois pas mal de choses dans l’élite et je me projette déjà sur ma reconversion, sur ce que je souhaiterais faire par la suite. J’ai eu pas mal de sollicitations, mais le meilleur projet était ici, dans l’une de mes villes de cœur. Et quand j’ai fait mes dernières années sur le parquet, je savais qu’il manquait certaines choses et je me suis dit que je pouvais apporter un plus à ce qu’il y avait déjà.

« Quand la salle est pleine pour nos matchs, c’est le fruit de notre collaboration »

  • Aujourd’hui, c’est ta deuxième année dans ce rôle, comment te sens-tu ?

Ce métier, c’est un peu comme quand je jouais. Chaque année, il y a de nouvelles choses qui font que tu dois te réinventer. Tu ne peux pas juste prendre ce qui a marché et recommencer. L’année dernière était une saison magnifique. On finit un peu déçu puis on se bat financièrement pour survivre et donc il n’y a pas eu véritablement de coupure jusqu’au changement de président à la rentrée. Il n’y a rien de similaire entre une saison et une autre. Ce n’est donc pas plus facile avec le temps, c’est juste différent.

  • Comment s’est passé ce changement de présidence en pleine intersaison ? Comment l’as-tu vécu ? 

J’ai senti venir ce départ et j’ai peut-être été moins surpris que d’autres. Maintenant, c’était quand même une période avec un brin de tension. On est très content d’avoir des gens comme Nicolas Bigot qui est là depuis dix ans et qui a le courage de ne pas lâcher le club et se lancer là-dedans. C’est un changement qui se passe vraiment bien.

  • Comment le sens-tu dans ce nouveau rôle ?

Ce qui est bien, c’est que l’on était déjà proche, par le biais de voyages entrepris avec les partenaires et ça avant qu’il ne prenne la présidence du club alors on a beaucoup discuté. Il est arrivé dans un esprit de continuité et n’a pas souhaité s’imposer à moi. Il voulait prendre le train en marche, c’étaient ses mots et c’est ce qu’il fait. J’adore parce que c’est quelqu’un de très bien humainement et il apporte toutes ses qualités d’entrepreneur. Aujourd’hui, on a un gros challenge financier, donc il est vraiment focalisé là-dessus et on forme vraiment un bon binôme.

« L’année dernière, j’avais dit que je ne voulais plus de mercenaire(s) »

  • Cela fait trois ans que Maxime Bézin est le coach. Comment votre relation a-t-elle évolué alors qu’à une certaine époque, tu as été joueur et lui assistant ?

Quand je suis revenu ici, il était assistant, c’est vrai. C’était d’abord à lui de faire ce changement, de passer de simple assistant à coach et à l’époque, j’étais totalement pour cela. Il avait les qualités et la légitimité pour reprendre. J’estime avoir été son joueur, mais aussi son allié à ce moment-là parce que ce n’était pas forcément simple vis-à-vis de certaines individualités dans le vestiaire. En changeant de poste, même si je passais au-dessus de lui hiérarchiquement parlant, je voulais que l’on soit des coéquipiers. Ce sont les mots que j’avais utilisés. Je voulais que l’on poursuive dans le même sens et c’est exactement ce qu’il s’est passé l’année dernière. Aujourd’hui, je me suis un peu plus éloigné. Je suis très occupé par toutes ces nouvelles tâches. Je dois vraiment faire ce lien avec la nouvelle direction, donc je passe beaucoup de temps avec eux ce qui fait que je suis un peu plus détaché de lui. Mais il faut le dire, il fait un énorme boulot. Cela me permet de me dégager du temps pour ce qui est urgent.

  • Avant de partir sur le bilan des six premiers mois de compétition, il y a eu beaucoup de changements cet été. Comment as-tu géré cela ?

Cela peut paraître bizarre, mais il y a eu moins de changements que la saison passée. Il y a quatre joueurs qui sont restés par exemple. Malgré tout, Maxime (Bézin) a eu sa période avec les championnats du monde, le changement d’assistant et il y a eu les problèmes financiers du club, c’est vrai que l’été a été assez mouvementé. On ne pouvait pas vraiment faire le recrutement avant de savoir si l’on était sauvé, ce n’était vraiment pas simple. On a été contraint de s’adapter en fonction des situations, mais je trouve que l’on s’en est plutôt bien sorti. On a pu être solide, lui et moi, sur le plan du recrutement. C’est lui qui fait le gros du scouting, parce que ce n’est ni ma force ni ma volonté pour le moment. Je n’interviens que lors de la finalisation ou lors des dernières prises de décision. Je suis fier de l’équipe que l’on a pu construire et du travail que l’on a fait ensemble. Quand la salle est pleine pour nos matchs, c’est le fruit de notre collaboration.

« À une époque, on pensait que les Etats-Unis étaient un autre monde »

  • Comment fait-on pour rester compétitif quand la concurrence a des moyens financiers beaucoup plus importants ?

L’année dernière, j’avais dit que je ne voulais plus de mercenaire(s). Pas pour dire que les joueurs resteront forcément plus qu’un an, mais pour indiquer que l’on recrute d’abord des joueurs qui ont des valeurs humaines. Après deux ans, je pense que l’on peut dire que c’est quelque chose qui marche. On recrute des joueurs en fonction de leurs valeurs et du cadre dans lequel ils vont arriver avec la région lilloise. Les habitants d’ici n’attendent pas les mêmes choses que dans d’autres territoires. On connaît notre public et on recrute aussi en fonction de ce critère. En connaissance de cause, je peux te dire que j’ai joué avec des joueurs qui n’étaient pas faits pour être ici. Ils avaient une mentalité qui n’était pas en raccord avec celle du territoire. Ils étaient déconnectés et je pense que cela est aujourd’hui un gros plus dans notre recrutement. On les accueille avec la manière du Nord et ils matchent avec ça. Je pense que c’est l’un des premiers piliers de notre travail. C’est ce qui permet d’avoir ce sentiment d’appartenance, que le public te rend. C’est l’une des grosses clés de la réussite.

Ensuite, il faut un esprit, donc soit des jeunes soit des revanchards qui cherchent à s’exprimer. Ce sont nos axes principaux de recrutement, en plus de bons joueurs de basket, évidemment.

  • N’est-ce pas compliqué de conserver cette marque de fabrique lorsque l’on recrute un Américain comme Marcus Santos-Silva ?

À une époque, on pensait que les Etats-Unis étaient un autre monde. Aujourd’hui, ce n’est plus si loin, moins loin que certains pays européens par exemple. C’est le fond qui reste le plus important. On se renseigne d’abord sur l’individu. On regarde des vidéos et on discute avec certains anciens joueurs qu’il a pu être amené à côtoyer. On discute avec ses coachs, son entourage, ce qui nous permet de connaître son caractère et comment il se comporte. Ensuite, quand il arrive, il a une période d’essai parce que l’on sait qu’un changement de culture, encore plus pour un rookie, ça peut parfois être un choc. En une à deux semaines, tu décèles les choses. Il a eu quelques jours durant lesquels il a fallu l’accueillir et tout s’est bien passé.

Cela permet aussi d’enrichir un vestiaire. Son parcours, le fait d’avoir fait du football américain, est atypique et cela a fait l’objet de discussions. Cela concerne aussi Marcos (Suka-Umu) qui a vécu en Espagne et qui a une grande expérience ou Mladen (Vujic) pour lequel c’est sa première fois en France. On est habitué à ça quand on est joueur. Chaque joueur est une richesse individuelle et cela offre des moments de partage et des perspectives d’évolutions et d’apprentissage pour chaque joueur. C’est un gros bagage que tu possèdes, mais dont tu ne te rends véritablement compte que plus tard.

« On n’avait pas un budget pour jouer sur trois compétitions, mais on l’a fait »

  • Quel bilan fais-tu de la première partie de championnat ?

Nous avons un bilan à la Pro B, le mois de novembre et décembre est très compliqué. Les équipes qui le gèrent le mieux vivront une belle saison. En début de saison, je ne pensais pas que l’on allait démarrer aussi fort. C’est ce qui nous permet d’absorber ces mois un peu plus difficiles. On avait peur que l’adaptation de certains ne se passe pas au mieux et on a vite été rassuré là-dessus donc on reste positif. […] Notre objectif a toujours été de nous maintenir le plus tôt possible. On n’avait pas un budget pour jouer sur trois compétitions, mais on l’a fait. Cela a été très difficile, tant physiquement pour les gars que financièrement pour le club parce que cela correspond à beaucoup de dépenses supplémentaires et on ne va pas se mentir, on n’avait pas le budget pour ça. […] Par rapport à tous ces paramètres, et aussi les nombreuses blessures que l’on a eues, je trouve que c’est plutôt positif.

  • Justement, vous n’avez pas été épargnés par les blessures, vous avez déjà joué plus d’une vingtaine de matchs, quel est ton ressenti par rapport à cela ? Est-ce frustrant pour les joueurs ?

C’est dur. Il y a des années, lors desquelles on jouait à six ici parce qu’il y avait des blessés et le club n’avait pas les moyens pour enrôler de nouveaux joueurs. En tant que joueur, je me demandais comment nous allions faire alors j’ai compris et je comprends leur frustration. […] Cela a vraiment été une galère et dans ces cas-là, c’est à nous d’écouter les gars, de les apaiser et de leur montrer que l’on a quand même confiance en eux. On fait du mieux que l’on peut pour les accompagner et pour se battre face à cette réalité. La réalité financière de l’été dernier ne se résout pas en quelques mois, mais en plusieurs années. Il ne nous manquait pas 20 balles, mais une grosse somme. En attendant, il faut faire le dos rond et faire des choix stratégiques dans la mesure du possible.

  • Sur cette première partie de saison, arrives-tu à ressortir trois moments qui t’ont marqué ?

C’est une question piège ça (rires). Je vais citer le changement de présidence. Ensuite, on va dire le run de l’équipe avec 9 victoires sur 12 en début de saison. C’était vraiment top, beau à voir. C’était vraiment un bol d’air dans toutes nos galères. Et le dernier moment particulier, je dirais le match à Denain. Le Derby du Nord remporté parce qu’il fallait vraiment une grande force chez les joueurs pour aller gagner à Denain alors que l’on était diminué, sans Marcos, sans Mladen… Il fallait être très fort, surtout chez eux, parce qu’ils ont quand même un effectif pour jouer le haut du tableau. La salle était pleine, mais nos supporters étaient ceux qui faisaient le plus de bruit. C’est un bon moment dans notre saison.

Plus que du sport, un spectacle

  • Outre le terrain, on vous sent également très présent dans l’envie de créer une véritable expérience autour du Palais Saint-Sauveur avec des ajouts permanents ou ponctuels pour les fans. Quelle est l’ambition à ce niveau ?

On est dans une ville où il y a beaucoup de passages et où l’histoire sportive ne suffit pas pour attirer. À côté de nous, il y a énormément de choses à faire avec le Zénith, les boîtes, les autres clubs… Pendant plusieurs années, le LMB a fait de bons résultats sportifs, mais uniquement sportifs. On tente donc de proposer du beau spectacle sur le terrain avec un jeu attractif, mais pas seulement. Les joueurs font le boulot sur le terrain et c’est ensuite à nous de faire le reste. Quand il y a un temps mort, une mi-temps, à l’avant ou à l’après-match, il faut qu’il se passe des choses. On n’est pas au football. On essaie de développer des choses et je pense que cela plaît. Charlie (speaker) est notre premier fer de lance et tout le monde se met au diapason que ce soit à la communication ou à l’événementiel. C’est dans ce sens-là que j’aimerais que l’on puisse avoir un jour une nouvelle salle pour offrir un confort supplémentaire (du parking aux écrans géants, pour ne citer que ces potentiels ajouts) pour pouvoir attirer encore plus de monde. Au final, c’est l’outil qui appelle les spectateurs et ce n’est pas juste ton basket. Aujourd’hui, on a une salle atypique et on essaie de tout faire pour la mettre en valeur. Je ne veux pas cracher sur cette salle qui a son charme et pour montrer qu’on l’aime, on tente de mettre des choses en place avec nos moyens. Quand on voit une salle comble, c’est une fierté.

Advertisement

Populaires

Le Petit Lillois

GRATUIT
VOIR