Publié le 23 janvier 2024 à 07:10

Suite au succès empoché par le LOSC en Coupe de France (0-1), des supporters lillois ont pris la parole sur les réseaux sociaux pour dénoncer des cris et chants racistes au sein de leur propre parcage. Récit d’une soirée à l’issue de laquelle les langues se délient.
Ce week-end, du samedi 20 au dimanche 21 janvier, a été une période de combat, un combat initialement lancé par Mike Maignan (28 ans) au cœur du Frioul-Vénétie Julienne en Italie. Sous les couleurs de l’AC Milan, dont le rouge rappelle intimement ses exploits chez les Dogues, il a lancé une vague d’indignation, conférant assez de courage à certains pour se dresser devant des aberrations qui ont trop longtemps été ignorées. Samedi dernier, dans les cages de la formation lombarde, Mike Maignan était victime d’injures racistes (« Monkey », singe en anglais) sur la pelouse de l’Udinese. Pour lutter, croyant fermement en ses convictions, il a fait un adieu momentané au gazon, quittant le terrain accompagné par ses coéquipiers en signe de soutien. C’est ainsi que la rencontre, comptant pour la 21ème journée de Serie A, a été interrompue avant de reprendre quelques minutes plus tard et que le karma se chargea de récompenser un geste de grande classe en offrant la victoire aux Lombards (2-3).
« Les spectateurs en tribunes, qui ont tout vu, tout entendu mais qui ont choisi de se taire, vous êtes complices » (Mike Maignan)
Une actualité commentée par Jonathan David et Vito Mannone suite au succès glané à Chambly, lors d’un seizième de finale de Coupe de France opposant le LOSC au Racing CFF (0-1) : « Je pense que ce n’est pas facile de trouver une solution. Il y a eu beaucoup d’initiatives de la part des joueurs, des staffs et des clubs, mais c’est vrai que rien ne change pour le moment. Il faut être un peu plus sévère. Il faut arrêter tout ça parce que ce n’est pas normal », lançait le portier, rapidement suivi par son coéquipier canadien : « C’est terrible ce qu’il se passe, mais la solution, je ne l’ai pas. Les joueurs ont déjà essayé de tout faire. C’est aux dirigeants, à ceux qui contrôlent le football de trouver des solutions pour ce que cela ne se passe plus. On en parle à chaque fois, mais ça se répète toujours. Il faut trouver un moyen de régler les choses. Nous, tout ce qu’on peut faire, c’est arrêter de jouer. Peut-être que ça leur forcera la main », répondait-il.
Originaire de Desio en Italie et âgé de 35 ans, Vito Mannone a déjà eu l’opportunité de vadrouiller tout au long de sa carrière. De l’Angleterre à la Norvège, des Etats-Unis à l’Italie, il est conscient des problèmes aujourd’hui rencontrés sur le continent européen : « Nous avons vu que certains joueurs quittaient le terrain, mais même avec ça, ce sont des choses (chants racistes, nldr) qui arrivent encore dans des pays comme l’Italie, la France ou l’Espagne, et ce n’est pas normal du tout », insistait une nouvelle fois le second de Lucas Chevalier, et il ne savait pas encore, à ce moment-là, que son discours était si juste.
Dans un message publié sur les réseaux sociaux, Mike Maignan pointait du doigt les spectateurs silencieux, « complices » des agissements de leurs compères en tribunes. Un rôle que les supporters lillois ont rejeté ce dimanche soir, dénonçant avec ferveur et conviction leurs « camarades » lillois et les cris, chants, propos ou encore insultes racistes entonnés dans la Tribune Nord du Stade Walter-Luzi. Tout au long de la journée de ce lundi, nous sommes partis à la rencontre d’une dizaine de supporters, qui ont tous accepté de nous partager leur périple. Quand certains ont pu profiter de ce doux parfum qu’est la Coupe de France, d’autres ont vécu une soirée digne d’un cauchemar.
Des insultes répétées aux imitations choquantes
Des indépendants aux supporters présents au sein de bus dirigés par des sections de supporters, ils se sont tous réunis vers 16 heures à un point défini afin que la gendarmerie puisse les escorter sans encombre jusqu’à Chambly. C’est là que ce périple prend déjà une autre tournure, lorsque l’un de nos confidents aperçoit un homme torse nu arborant « SS-Runen » (symbole de l’idéologie nazie) sur les pectoraux. Un sigle qu’ont cité plus de la moitié des supporters interrogés, tant cet homme a marqué les esprits. Si la première période s’est déroulée au mieux, tant en tribunes que sur la pelouse, où Hákon Haraldsson a soulevé les foules d’une réalisation salvatrice sur coup-franc (32′), tout s’est gâté à la pause.
Lors de cet entracte, l’homme précédemment cité lâche un « sale noir » au gardien du Racing Club de France avant de s’adresser aux ramasseurs de balles « sale bougnoule », peut-on alors entendre dans les tribunes. Certains supporters réagissent, mais finissent par se taire sous la menace. Ce sont alors deux à cinq individus (sur plus de 400 supporters présents en tribunes) qui revêtissent écharpe, masque, capuche et lunettes, insultant et menaçant les quelques Lillois qui tentent de s’opposer. Ce sont ensuite les jeunes enfants, âgés d’une dizaine d’années, qui débarquent sur la pelouse pour participer aux traditionnels challenges de mi-temps lors desquels des formations s’affrontent sur des face à face, d’un but à l’autre. Le très jeune portier est alors victime de multiples insultes, du « sale noir » au « va ramasser du coton dans les champs » en passant par du « viens me sucer bougnoule », les cris et les insultes s’enchaînent tout en mimant la moustache d’Hitler. Par la suite, ce sont des « sale blanc » qui retentissent, comme pour camoufler d’anciens propos avant qu’ils ne laissent place à des chants nationalistes « bleu, blanc, rouge, la France aux Français » puis à une comparaison entre un agent de sécurité et Aya Nakamura, auteure, compositrice et interprète franco-malienne.
En parallèle de cela, un jeune homme d’origine arabe présent au sein du parcage est harcelé par certains supporters alcoolisés. Ces derniers tentent, par exemple, de provoquer un mouvement de foules pour essayer de le faire chuter dans les tribunes. Des agissements qui se stoppent lorsque le second acte reprend, comme si les perturbateurs avaient été « recadrés puis changés de place », « il y avait la volonté de les cacher » nous souffle-t-on. Si c’est à ce moment-là que le calvaire s’arrête net pour certains, d’autres vivront un retour particulièrement inconfortable, dans la crainte et l’angoisse.
« Au prochain match on fera un tifo sur la Palestine ça fera encore parler »
Tous avec toi Rubens ! ❤️ pic.twitter.com/2yurDZXdJe
— Racing Club de France Football (@racing_cff) January 22, 2024
Dans un bus pour le retour sur Lille, alors qu’ils ont accompagné une section de supporters afin de pouvoir assister à la rencontre, deux Lillois aux origines nord-africaines n’ont eu de cesse d’être pris à partie tout au long du trajet, soit plus de deux longues heures. Ils étaient quatre ou cinq à leur tourner autour. L’un d’entre eux a d’abord commencé par « faire l’apologie de la bible et du christianisme » avant qu’un second ne tente un trait d’humour « quand tu passes à Roubaix tu visites l’Algérie, le Maroc et la Tunisie par contre tu ne vois pas la France » lance-t-il. Au fil des kilomètres, cela devient de plus en plus insistants « les Arabes, ils lancent pas des chants, eux ils lancent des bombes », déclarent certains harceleurs qui ont ensuite réagi aux premiers témoignages diffusés sur les réseaux sociaux : « Celui qui a balancé ça sur Twitter, ça sert à rien de te rattraper en disant que c’est peut-être pas des … (nom d’une section), je te confirme que si, on est bien des … ,clame-t-il. Au prochain match on fera un tifo sur la Palestine ça fera encore parler. »
Des propos sexistes ont également été recensés, ainsi que des menaces, installant peu à peu un climat de peur « quand tu descends on te descend » jusqu’à ce qu’ils arrivent à destination : « Quand on a enfin pu descendre, on s’est dépêchés de sortir et on entendait des ‘ouais c’est ça barrez-vous vite, vous avez pas de couilles, vous avez peur de nous’, confie l’un des interrogés qui note heureusement l’appui de certains dans ce même car, prêts à les défendre en cas de besoin à la sortie. C’est ainsi que, pour certains, s’est clos ce périple.
Une pétition, une plainte déposée
Si personne n’a réellement combattu ce fléau qu’est le racisme au sein de ce car, les réseaux sociaux s’enflammaient, poussant un cri qui n’avait que très rarement retenti jusqu’ici. Comme poussés par les paroles de l’une de leurs idoles, Mike Maignan, les supporters lillois sont apparus décomplexés sur le réseau X, diffusant de longs témoignages de part et d’autres. Ces derniers, lu par bon nombre d’individus au sein de la communauté lilloise, ont ainsi permis de réunir une famille tourné vers une seule lutte, un seul combat, celui contre le racisme, car « l’on ne veut plus de ça dans nos tribunes », nous confie un témoin de la scène, soutenu par quelques interrogés qui, de leur côté, étaient trop loin pour assister à ces ignominies, mais ne comptent pas se désintéresser de ce combat pour autant. C’est ainsi qu’est née une pétition nommée « pour que nos tribunes changent », réclamant « un nettoyage de nos tribunes, salies par une poignées de personnes qui s’accaparent le club, NOTRE CLUB, par l’intimidation et la menace. » Celle-ci a, en quelques heures, atteint plus de trois cents signatures.
En plus de nos discussions avec de nombreux supporters présents sur les lieux, nous avons contacté la formation lilloise, avec laquelle nous avons maintenu une communication régulière tout au long de la journée. Celle-ci s’est clôturée par la publication d’un communiqué. Dans ce dernier, l’on apprend que le LOSC s’apprête à déposer une plainte contre X, qu’il tentera « d’identifier les coupables de ces agissements » et « d’engager des poursuites pouvant déboucher sur des condamnations judiciaires ». Le but est clair : « les éloigner durablement de nos tribunes », insiste le club dans sa communication. Le LOSC invite désormais ses supporters ayant été témoins de ces actes à se manifester. Un formulaire en ligne a notamment été spécifiquement créé à cette occasion, celui-ci est accessible en cliquant sur ce lien.
https://twitter.com/azalor59/status/1749397692822753285
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